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Matières premières

Les matières premières jouent un rôle primordial dans l'économie des États africains. Elles constituent leur principale rente d'exportation et demeure pour ces États l’opportunité indispensable de développement et d'intégration de l'économie internationale.

Le rapport du continent avec ces ressources est depuis les indépendances un champ d’étude prolifique, nourri par une littérature abondante à la quelle s’ajoutent dans les milieux scientifiques, des conférences, séminaires, ateliers, journées d’études, séminaires, projets de recherche, etc. Ces études ont tous l’ambition de conjurer la gestion des matières premières afin de les transformer au mieux des intérêts politiques et stratégiques du continent. Il est prétentieux de dresser ici un catalogue exhaustif des travaux sur la question tant ils sont nombreux et mobilisent toutes les disciplines. Le moins que l’on puisse dire est que ces travaux ont sédimenté des approches théoriques et des paradigmes dont les plus importantes sont le paradoxe de l’abondance et le tiers-mondisme. Ces approches quoi que segmentées se rejoignent dans leur capacité à démontrer que les matières premières africaines constituent autant pour les États la clé de leur intégration dans l’économie-monde que le facteur de leur désintégration politique et de leur marginalisation économique.

Cependant, s’il est évident que ces études sont riches et denses à plusieurs égards, il reste cependant que l’inscription des matières premières dans la conscience géographique, géopolitique et géostratégique des États africains demeure questionnable. Comment les infrastructures d’exploitation des matières premières se sont-elles développées ? Dans quelle mesure les matières premières produites en Afrique sont-elles effectivement contrôlées et gérées par les pays africains ? Les projets de coopération y relatifs répondent-ils toujours aux politiques populistes d’indépendance africaine ? Quels défis présentent l’exploitation des matières premières et la volatilité des prix sur le marché international ? Quels sont les modèles d’intégration issus des matières premières ? Au-delà des pouvoirs publics, comment s’organisent les communautés africaines pour impulser ou bénéficier d’une gestion désynchronisée des matières premières ? Quelle lisibilité stratégique offre le rapport de l’Afrique à ses matières premières ? Telles sont les questions sur lesquelles s’interroge ce numéro de Dialectique des Intelligences. L’objet est de proposer une définition différente et plus utilitaire du rapport de l’Afrique à ces matières premières.

Sous cet angle, l’analyse de la diplomatie des matières premières menée par les puissances traditionnelles et émergentes en Afrique amène à voir en quoi la relative difficulté de l’Afrique et des Africains à s’arrimer à la compétition économique qui structure l’histoire des relations internationales et l’incapacité de ses dirigeants à opérer une nécessaire mue géopolitique et stratégique concourent à transformer le continent en un théâtre du jeu mondial des puissances. La « guerre des matières premières » que se livrent ces puissances contribue à faire de l’Afrique un glacis géostratégique dans lequel l’acquisition des matières premières détermine le niveau d’inscription dans le leadership mondial.

Dans ce contexte, contrairement à la coopération « gagnant-gagnant», synonyme d’une asymétrie stratégique des partenaires, l’élite gouvernante africaine devrait faire de la coopération « donnant-donnant » un instrument susceptible de lui permettre de transformer au mieux des intérêts des populations l’actuelle dynamique indienne et brésilienne en Afrique (Severin Tchetchoua Tchokonte).

Par ailleurs, dans une société internationale où les enjeux maritimes et littoraux constituent désormais de véritables vecteurs d’essor économique, l’inscription des matières premières océaniques dans les projets d’émergence des États du golfe de Guinée est analysée dans la perspective d’une émancipation de ces États par leurs espaces maritimes (Théophile Mirabeau Nchare Nom). Cette perspective stratégique peut permettre aux pouvoirs publics africains de se réapproprier les « fenêtres d’opportunités » utilisées par les puissances internationales dans la captation des matières premières. À cet effet, il nécessite l’institutionnalisation des joint-ventures entre les entreprises étrangères et africaines (François Xavier Noah Edzimbi). Ce sursaut stratégique nécessite d’inscrire les ressources naturelles parmi les intérêts fondamentaux des nations africaines. Ce qui permettra d’accorder à leur sécurisation et à leur exploitation durable autant d’attention qu’à l’indépendance et la souveraineté des États (Gédéon Youssa).

Bien évidemment, la démarche utilisée par les auteurs a impliqué la remise en cause ou le dépassement des approches traditionnelles des matières premières africaines qui n’ont eu pour effet que de s’aligner derrière l’afro-pessimisme désormais désuet. En prenant à notre compte l’essence de l’esprit scientifique au sens de Gaston Bachelard, c’est-à-dire la réflexion organisée en quête de solutions efficaces aux problèmes humains, les auteurs ont questionné le rôle des matières premières dans l’agir et le devenir stratégique de l’Afrique, en insistant non sur les problèmes mais sur les solutions.

Alain FOGUE TEDOM

 

Contributions :

Équipe de Rédaction :

  • Dr. Severin TCHETCHOUA TCHOKONTE;
  • Dr. Théophile Mirabeau NCHARE NOM ;
  • Joseph Thierry OKALA EBODE ;
  • Fabrice NOAH NOAH ;
  • Serge DZOU NTOLO ;
  • Chantal EMBIEDE EBALA ;
  • Mireille Nicole MELONO ELLA ;

 
Responsable de la Traduction : Roger NOAH

Comité Scientifique :

  • Recteur Roger TSAFACK NANFOSSO (Professeur d’économie);
  • Doyen Magloire ONDOA (Professeur de droit public);
  • Doyen Henri WAMBA (Professeur d’économie);
  • Doyen Charles Etienne LEKENE NDONFACK (professeur de droit public).


Professeurs :

  • Jean Emmanuel PONDI (Professeur de Relations Internationales);
  • Grégoire JIOGUE (Professeur de Droit privé);
  • Gérard PEKASSA NDAM (Professeur de Droit public);
  • Vincent Joseph NTUDA EBODE (Professeur de Relations Internationales et Stratégiques);
  • Issa SAIBOU (Professeur d’Histoire et spécialiste des questions de sécurité);
  • Manassé ABOYA ENDONG (Professeur de Science Politique);
  • Eustache AKONO ATANGANE (Professeur de Science Politique).


Docteurs :

  • Jean Pierre MELOUPOU (Capitaine de Vaisseau ®, Ancien Directeur du Centre du Renseignement Militaire (CRM), Enseignant associé des Universités,)
  • Lavenir Jacques Didier MVOM (Colonel ®, Diplomate, Spécialiste des questions de sécurité) ;
  • Christian MODJEL (Diplomate) ;
  • Richard KEUKO (politiste).


MM / Mme :

  • Christian PENDA EKOKA (Ingénieur polytechnicien et Senior économiste) ;
  • Jean BANIARA YOYANA (Ancien Magistrat, Ancien membre du gouvernement Tchadien, Juriste),
  • Claudine SIGAM (Senior-Experte des industries extractives) ;
  • Guillaume CHEDJOU TANKAM (colonel, spécialiste des questions de défense).