Afin de s’inscrire dans la quête de la puissance décisive et de s’arrimer à la rude concurrence économique qui structure les relations internationales post-guerre froide, les Etats stratégiquement matures ont, entre autres mesures, initié une révision de leurs dispositifs de puissance. Dans cette lancée, les ressources naturelles africaines, jusque-là gérées comme des réserves stratégiques des anciennes puissances coloniales, sont désormais au cœur d’une concurrence féroce entre les puissances traditionnelles et les nations émergentes dont les besoins en matières premières stratégiques paraissent illimités. En effet, l’irruption des puissances économiques et militaires émergentes telles que la Chine, l’Inde, le Brésil sur la scène africaine et l’intérêt
croissant des Etats-Unis et du Japon pour le continent ont profondément perturbé les monopoles des pays européens qui, jusque-là, considéraient l’Afrique comme faisant partie de leur « sphère d’influence naturelle».
Prise dans le cercle hostile que l’OTAN referme chaque jour un peu plus sur elle, la Russie a décidé de briser son isolement en nouant des partenariats avec des pays qui lui permettront à terme à enfermer ceux qui l’encerclent. C’est dans cette dynamique que la Russie peaufine, depuis le début des années 2000, une offensive globale et multiforme en Afrique. La Russie qui a conservé le rêve de puissance de l’ex-URSS, y tente-t-elle aussi une percée. En effet, après le désengagement de Moscou en Afrique, provoqué par l’éclatement de l’Union Soviétique en décembre 1991, conscientes des pertes stratégiques dues à leur retrait de la région, les autorités russes ont entrepris une réévaluation de leur politique africaine. Le retour de la Russie sur la scène africaine en 2001 est motivé par le désir de prendre une part active dans l’exploitation des matières premières stratégiques africaines qui lui permettraient d’opérer, dans la course qui l’oppose aux autres puissances pour la quête du leadership mondial, une importante mue géopolitique et géostratégique.
Pour ce faire, à la suite des autres puissances, occidentales et émergentes, la Russie déploie sur le continent africain un important dispositif de puissance. Ce projet géostratégique russe en Afrique, repose, entre autres, sur l’intensification de la coopération militaire et industrielle, l’octroi d’aide, l’annulation de dette et une active diplomatie de présence.
Désormais, les Etats-Unis, les puissances européennes, la Chine, et la Russie y sont engagés dans une compétition stratégique, politique, diplomatique dont les enjeux économiques et sécuritaires sont amplifiés par la compétition renouvelée pour la puissance et le contrôle du monde.
Aussi, ce numéro de la Revue Dialectique des Intelligences du premier semestre 2019 se propose-t-il d’analyser enjeux géoéconomiques, géopolitiques et géostratégiques autour desquels gravite l’actuelle offensive de la Russie en Afrique. Comment percevoir le retour de la Russie sur le continent depuis le début du 21e siècle ? Dans la compétition déjà virulente entre les puissances occidentales entre elles, entre celles-ci et la Chine pour le contrôle de l’Afrique centrale dont la cécité stratégique des dirigeants est caractéristique des pays, quel apport peut avoir l’entrée en scène de le Russie ? Quelles incidences l’entrée en scène de la Russie pourrait avoir dans la rude compétition de puissance dans une Afrique Centrale au coeur de convoitises des grandes puissances, occidentales et émergentes ? Telles sont les questions sur lesquelles s’interroge ce numéro de Dialectique des Intelligences.
Inscrite parmi les priorités stratégiques de la Russie (François Xavier NOAH EDZIMBI), Moscou déploie, depuis le début du XXIe siècle une importante politique de puissance en Afrique. En effet, motivée par le désir de revêtir les attributs de puissance globale, la Russie s’engage sur le théâtre africain avec l’intention d’y contester l’hégémonie occidentale. L’offensive qu’elle mène en Afrique Centrale s’inspire autant de l’héritage soviétique que d’une philosophie de la puissance fondée sur le contrôle des pivots géopolitiques (Fabrice NOAH NOAH). La lecture géopolitique des territoires que réalise la Russie lui permet de maximiser ses gains, malgré la relative modestie de ses moyens. Elle peut alors user, alternativement, du multilatéralisme et de la coopération bilatérale comme outils de conquête. Pourtant, d’importants défauts structurels font planer des menaces sur le projet de puissance de la Russie. L’absence d’une capacité géopolitique conséquente et la contre-offensive des puissances traditionnelles, dont la France, représentent alors les principaux obstacles aux ambitions africaines de la Russie. Corollaire de la fin de la guerre froide et de la tutelle européenne, l’offensive russe en Afrique Centrale traduit la reprise et la promotion par la Russie du projet de puissance soviétique, momentanément mis en veilleuse à la suite de l’implosion de l’URSS en 1990. Ce qui confère à cette partie du continent une place prépondérante dans le dispositif de puissance de la Russie, engagée dans la lutte pour le leadership mondial (Chantal LAPE HIAG).
Équipe de Rédaction :
– Dr. Severin TCHETCHOUA TCHOKONTE;
– Dr. Théophile Mirabeau NCHARE NOM ;
– Joseph Thierry OKALA EBODE ;
– Fabrice NOAH NOAH ;
– Serge DZOU NTOLO ;
– Chantal EMBIEDE EBALA ;
– Mireille Nicole MELONO ELLA ;
Responsable de la Traduction : Roger NOAH
Comité Scientifique :
– Recteur Roger TSAFACK NANFOSSO (Professeur d’économie);
– Doyen Magloire ONDOA (Professeur de droit public);
– Doyen Henri WAMBA (Professeur d’économie);
– Doyen Charles Etienne LEKENE NDONFACK (professeur de droit public).
Professeurs :
– Jean Emmanuel PONDI (Professeur de Relations Internationales);
– Grégoire JIOGUE (Professeur de Droit privé);
– Gérard PEKASSA NDAM (Professeur de Droit public);
– Vincent Joseph NTUDA EBODE (Professeur de Relations Internationales et Stratégiques);
– Issa SAIBOU (Professeur d’Histoire et spécialiste des questions de sécurité);
– Manassé ABOYA ENDONG (Professeur de Science Politique);
– Eustache AKONO ATANGANE (Professeur de Science Politique).
Docteurs :
– Jean Pierre MELOUPOU (Capitaine de Vaisseau ®, Ancien Directeur du Centre du Renseignement Militaire (CRM), Enseignant associé des Universités)
– Lavenir Jacques Didier MVOM (Colonel ®, Diplomate, Spécialiste des questions de sécurité) ;
– Christian MODJEL (Diplomate) ;
– Richard KEUKO (politiste).
MM/ Mme :
– Christian PENDA EKOKA (Ingénieur polytechnicien et Senior économiste) ;
– Jean BANIARA YOYANA (Ancien Magistrat, Ancien membre du gouvernement Tchadien, Juriste) ;
– Claudine SIGAM (Senior-Experte des industries extractives) ;
– Guillaume CHEDJOU TANKAM (colonel, spécialiste des questions de défense).